La fille d’Ulysse
RÉSUMÉ
Imaginez une île, au milieu des mers du Sud, qui ne figure pas sur la carte du monde. Les rives ont été rasées de leur végétation pour faire place à des hôtels luxueux, mais l’île est restée assez sauvage pour nourrir notre rêverie, avec ses routes de terre, ses lagunes, ses coraux. Portée par ses lectures et une pulsion de vie enragée, la jeune héroïne de ce roman prend clandestinement le large et échoue sur un continent formé par des tonnes de déchets qui se sont agglutinés et sédimentés à la suite d’un choc volcanique.
Ici, on habite dans des conteneurs, et le sol est un immense marécage de boue où on se déplace sur des palettes, sorte de trottoirs de bois évidemment très instables. Cet anti-Club Med attire une colonie de volontaires, venus de partout pour étudier la planète d’ordures afin d’y découvrir de nouvelles possibilités de vie. La fille d’Ulysse, constatant très tôt qu’il ne suffit pas de changer de milieu pour échapper au quotidien et à la nature humaine (rivalité amoureuse, classes sociales, ennui, ragots, etc.) reprend la mer. Après un court séjour dans la ville verticale de Gênes, elle revient vers son île d’origine pour y retrouver sa bicyclette, les livres, sa sœur jumelle, le chemin caillouteux, son amant. En attendant de repartir, elle raconte son voyage aux enfants, voyageant de nouveau en racontant, convaincue que « L’Odyssée est le seul navire qui [lui] importe », « qu’il faut ruser avec la réalité pour mettre de l’ordre dans tout ce qui, dans l’existence, cafouille comme une voile faseyant dans la brise ».
La fille d’Ulysse réalise la plus haute ambition du roman : relater comment on ne cesse de passer d’une prison à une autre, d’un rêve à un autre, d’une prison à un rêve qui devient une prison dont on s’évade par un autre rêve. Et c’est ainsi que le réel s’élargit en même temps que la conscience. Pour ce faire, il faut être capable de passer d’un registre à l’autre, du lyrisme à la satire, de la beauté des paysages et des êtres à la bêtise. La force de cette écriture, poétique par le rythme et les images, réaliste par les faits et l’analyse, tient au regard qui nous rend à la fois plus légers et plus graves, comme si nous étions les premiers et les derniers habitants de cette planète.
NOTICE BIOGRAPHIQUE
Marie-Pascale Huglo enseigne la création littéraire et la littérature contemporaine à l’Université de Montréal. Ses livres La respiration du monde (2010) et La fille d’Ulysse (2015) lui ont respectivement valu d’être finaliste au Prix littéraire des collégiens et au prix Soroptimist de la romancière francophone.