Ce livre raconte les difficultés quasi insurmontables que rencontre un certain Émile Martel lorsqu’il entreprend de mettre en ordre le manuscrit d’une amie récemment disparue, qui lui avait laissé le soin de voir à ses écritures. Dans vingt paniers déposés sur le dessus d’une bibliothèque, Georgette a accumulé, comme autant des pierres semi-précieuses, une somme de pensées, de réflexions et d’observations quotidiennes, réparties sur plus de dix-huit mille pages qui n’ont pas été numérotées ni datées, sans aucun souci de mise en forme.

Élaborée avec la contrainte de faire de chaque séquence romanesque un texte d’exactement sept cents mots, la proposition, pleine de péripéties familiales, amène le lecteur dans les arcanes de la création littéraire et de l’écriture d’une diariste. À mesure qu’évolue le récit et que des éléments tangibles du passé de la protagoniste refont surface (ses études en biologie marine, ses nombreux et discrets voyages à Las Vegas, la tentative de viol qu’elle a désamorcée, ses habitudes de vie, son inattaquable non-conformisme, ses revenus mystérieux), des parallèles s’établissent entre les carnets et l’univers de Georgette et ceux de l’auteur. (On sait que celui-ci tient depuis quarante ans un journal qui dépasse maintenant les 30 000 pages, récemment déposé aux Archives nationales du Canada, et dont Un homme sursis, publié en 2008, constitue un extrait.)

Roman ludique, festif, oulipien, d’une écriture souvent somptueuse, Georgette au Milieu du Monde évoque le destin d’une pratique quotidienne qui pourrait bien ressembler à un acte de foi.