Une carte postale de l’océan
RÉSUMÉ
La route était ennuyante, et c’était parfait. Rien qui vous donne trop envie de vivre. […] Les maisons laides sur le bord de la 117, les montagnes, puis les champs, puis pas de montagnes. Seulement des arbres, des lacs, des arbres. De grandes épinettes comme des flèches sombres pointant vers le ciel. Et ces croix – blanches, toutes – qui bordent la route, parfois avec plein de peluches autour, parfois avec un nom écrit dessus ou une photo plastifiée brochée à la jonction des deux planches.
La narratrice, qui vit seule avec ses deux enfants, trouve une photo de jeunesse de son père, décédé quatre ans plus tôt. Il y est entouré de cinq personnes qu’elle ne connaît pas. Elle ressent le besoin de savoir qui sont ces gens. Sur la piste de ces souvenirs, elle rencontrera un certain Jean Moretti – dit le fêtard et aujourd’hui aveugle –, une artiste peintre et le fils d’un personnage de la photo dont elle tombera amoureuse. Ainsi le passé ressuscité s’immiscera dans le présent de la narratrice et redonnera à sa vie un nouvel élan.
Comme toujours chez Stéfani Meunier, pas d’exploration de soi et des autres sans enracinement dans le territoire, et pas d’enracinement possible sans tenir compte des lieux qu’on quitte mais qui continuent de nous habiter. Ici la quête de la narratrice l’amènera de Montréal à la France en passant par l’Abitibi, sans oublier les Laurentides, région que Meunier contribue à imposer dans le paysage littéraire québécois comme un espace de solitude qui se déploie entre les désirs de vivre et de mourir. Car, s’il est vrai que la mort n’est jamais bien loin, elle est sans cesse repoussée par « cet amour de la vie qui fait que cet enfant depuis toujours lutte contre le sommeil, cette petite mort. »
Il y a dans l’écriture de Meunier quelque chose de magique qui fait du quotidien une source inépuisable d’étonnement, sans doute parce que chez elle, comme chez Leonard Cohen (qu’elle aime tant et qui fait une courte apparition dans ce roman), tout est vécu depuis un manque, une faille où luit l’intuition de quelque paradis perdu ou à venir.