Ce roman aux mille et une portes – dont s’ouvre ici la première –, l’auteur de Being at home with Claude l’a commencé en 1979, à son retour de Paris. Le projet est devenu au fil des décennies un chantier considérable, un conte-fleuve dont nous abordons ici le premier rivage. Déployé sur quelques milliers de pages, construit en une multitude d’étages, pourrait-on dire, il est mû par son principe même d’inachèvement. Le lecteur est convié à s’y aventurer en même temps qu’il est saisi par le ravissement qui l’architecture. Pourtant, depuis 1979, c’est de théâtre que l’écrivain s’est occupé en nous occupant. Mais derrière ces occupations, les personnages passaient sans le dire du conte fondateur à la scène : docteur Munch, monsieur Arsenault, Skibal le Rat au sous-sol d’une tour de Longueuil, le Vieil Homme des Cornouailles, le Marabout, le général Gorgonne, et Clarence, et Donald et Keith, et le comte d’Albret et Hans, et André Koubarilski… Les pages de ce conte sans fin qui se sont longtemps dépliées ailleurs reviennent maintenant à leur territoire d’origine. Derrière cette porte d’entrée, ils sont quatre : un Gars, puis Damien, puis Éric et Catherine. Ils habitent la porte d’à côté. Le Gars a rencontré, une nuit qu’il pleuvait à boire debout, un gars qui lui ressemblait tellement qu’il était… lui-même. Damien et Éric, eux, ont rencontré le même homme. Catherine, quant à elle, a rencontré Éric ; pour le perdre aussitôt. Tous les quatre ont rencontré… leur porte d’entrée. Le Livre inachevé de l’Orgueil des Rats est une oeuvre aussi énigmatique que transparente, où vibrent des fulgurances et des être immémoriaux. Il faut se laisser conduire par la baguette du maestro, coureur des bois de l’esprit, qui « n’attend rien et ne renonce jamais ».