Pedro, jeune Haïtien instable et multiple, traverse une (anti)carrière de comédien en offrant au tout-venant ou à des femmes aussi idéalisées que réelles les mots des poètes. Alors qu’en tournée à l’étranger il semble enfin devoir connaître le succès, il se jette du douzième étage d’un immeuble. Dans son pays natal, deux amis tentent alors de comprendre les raisons qui ont conduit au suicide cet homme que le terrifiant mélange du social et de l’intime avait transformé en plaie ouverte au point de le contraindre, pour être lui-même, à devenir tous les autres, sur la scène comme dans la vie, et à signer, par sa disparition, l’échec de la poésie et du langage à combler la faille qui sépare la lettre de la réalité. En retraçant le parcours d’un suicidé, Lyonel Trouillot interroge la « méchanceté ordinaire ». Y a-t-il un fond d’incommunicabilité qui fait de l’appel à l’amour et au partage un appel inévitablement manqué ? Quels sont les pouvoirs et les manifestations de la détestation telle qu’elle s’oppose au don de soi, de l’indifférence telle qu’elle s’oppose à l’empathie, du désamour tel qu’il s’oppose à la main tendue ? Ce ne sont pas la vie et la mort de Pedro qui sont exposées ici, mais bien des discours qui s’entrelacent pour former un cri, lequel ne parviendra pourtant jamais à reproduire celui du disparu.