Après avoir fait revivre la branche maternelle de sa famille dans La colline qui travaille, Philippe Manevy en explore ici le versant paternel, établi depuis des générations au pied du Lizieux, un vieux volcan éteint de la Haute-Loire usé par le temps comme le sont les montagnes anonymes des Laurentides.
C’est à ces héros du quotidien que l’écrivain accorde toute son attention : à Jules, l’ancêtre, à son fils Joseph et à Jeanne, les grands-parents de l’écrivain, à travers lesquels le XXe siècle se raconte, d’une invention et d’une guerre à l’autre, avec ses joies et ses peines, ses victoires et ses échecs.
Dans ce monde, une figure se détache, celle du notaire, métier exercé par le grand-père et le père, qui se révèle comme l’image même de l’écrivain tandis qu’il dépouille des archives, relit des lettres et des bulletins d’écolier, s’intéresse aux sermons de Victor, le grand-oncle curé (qui a peut-être inspiré Camus quand, en résidence dans la région, il écrivait La peste), scrute des photographies, s’attache à des objets, parcourt des lieux, retrouve le vieux patois, à la recherche de tout ce qui donne sens à ces vies que l’écriture se chargera de raconter.
Avec l’élégance du funambule, Manevy tend son fil entre deux mondes, l’ancien et le nouveau, la campagne et la ville, la France et le Québec, et cherche, comme les tisserands de la Croix-Rousse lyonnaise, à les réunir dans une même étoffe, pleine d’une fragile beauté.