Depuis qu’il sait tenir un pinceau, mon père a toujours eu un faible pour les océans, les épaves, les sirènes et les naufrages. Il était résigné à être avalé un jour par une vague du genre Hokusai. Il me l’a dit : il n’a jamais cessé de croire que sa mort serait bleue, avec un soupçon de mauve peut-être, mais bleue. Englouti par un glissement de terrain dans le Nord québécois, il a sans doute été renversé d’avoir à vivre ses derniers instants loin de la mer.

Walter Zdov, un peintre surréaliste ayant fréquenté les grands noms du mouvement, était pourtant méconnu du public au jour de sa mort. Même sa fille ignorait des pans entiers de la vie mystérieuse qu’il menait avant sa paternité.

Hélène de Billy entreprend ici le projet ambitieux de rendre hommage à la fois au surréalisme – sa singularité, son ouverture – et à sa région natale, Chibougamau, surréelle dans son histoire même.

La narratrice fait un retour aux sources pour prendre la mesure de l’homme que Walter était, découvrir les origines de l’amante de celui-ci – une étrange androgyne mentionnée dans les ouvrages d’histoire de l’art – et élucider la disparition de sa mère, décédée lors d’un accident d’avion.

Le récit emprunte bien sûr au surréalisme mais sans sombrer dans ses excès, et en offrant une belle part au rêve et à la folie créatrice : des personnages fantastiques côtoient des personnages très campés, et les migraines ophtalmiques et la fumée des feux de forêt jettent une brume sur les événements. Drôle sans être désinvolte, touchant, intelligemment mené, Complet scandale séduit dès les premières pages et se lit comme la chronique déjantée d’un village dont les racines plongent tant dans l’Europe des années folles que dans une tradition amérindienne millénaire.

Le livre est très joliment illustré par Mathieu Mondoux.