La gare maritime que traversent Cloud, treize ans, et sa sœur Cé est dévastée. Ils s’embarquent sur l’Idéal, un paquebot au départ continuellement reporté. Le navire appartient à leur père, Willian (sic) B. L. Semper, désireux de recréer une Arche de Noé du XXIe siècle en aidant des artistes et des scientifiques à fuir les Territoires, où les Onze compagnies règnent en maîtres.
Pour oublier ses deuils et ses peurs, Cloud s’invente des ami·es imaginaires qui peuplent les bandes dessinées de sa fabrication : notamment Billy Boom, shérif à la retraite, et Redemption Jenny, que le diable déménage de temps à autre dans un nouveau patelin, lequel ne s’en remettra jamais. À Candy Rock habite également Charlie Joe, pianiste de saloon amputé de deux doigts qui compose les Cloudnotes, d’époustouflantes musiques inspirées des nuages que peu de gens sont prêts à entendre au Far West.
Cé, quant à elle, profite de l’attente interminable dans laquelle les passagers de l’Idéal sont plongés pour produire avec eux un rituel destiné à conjurer les ténèbres. Elle se fait entre autres aider par Deep, ex-romancier qui a déjoué les robot-sapiens, maintenant les seuls autorisés à écrire des livres, lesquels doivent être en tous points conformes à l’idéologie dominante dans les Territoires.

Ce kaléidoscope romanesque frôlant le joyeux délire n’est pourtant pas sans évoquer la période trouble dans laquelle nous vivons. Le tout est livré sur un ton n’excluant ni l’humour, ni l’espoir, ni la lumière.
Gilles Jobidon nous surprend avec cette fantaisie au ton jubilatoire. Il arrive là on ne l’attendait pas, après cinq romans de facture plus classique. Et cette surprise a de quoi réjouir !