Durant plus de vingt ans, Olga a entretenu une relation amoureuse – ô combien discrète ! – avec Henri, marié à une Lucy qui ignore tout de sa liaison… Henri meurt d’un cancer, laissant Olga aux prises avec une solitude à laquelle elle n’était pas préparée. Une liasse de feuillets, trouvés par hasard dans une cabine téléphonique, et témoignant de l’aventure amoureuse d’une inconnue, amène Olga à revivre en pensée les années écoulées. Détachés du réel, les souvenirs se drapent d’une autre réalité, au point que l’auteure en parle comme d’un « passé composé ». Que croyons-nous savoir, et qu’ignorons-nous en fait de la personne aimée ? Hors de leur image, que sont réellement tous ces autres que nous côtoyons ? Comment ne pas se poser la question en découvrant avec Olga, dans les dernières pages du roman, que Lucy, l’épouse à laquelle Henri cachait jalousement son histoire, avait elle-même une relation ambiguë avec un ami qui, paraît-il, préférait les hommes ?… Prague, hier et toujours, le précédent roman de Tecia Werbowski, abordait déjà ce thème d’un passé plus compliqué qu’il n’y paraît à première vue. Le fait que l’auteure soit née en Pologne et habite le Canada depuis 1968 enrichit ses souvenirs du parfum troublant de l’exil. Et ce brouillage inconscient de la culture fait que l’inquiétude du réel qui anime, ou mine, les personnages du roman nous semble soudain bien proche de la nôtre.