En croisant avec une habileté magistrale différentes lignes de vie esquissées dans les trois Traversées, Michel Tremblay réussit le coup de maître de lier fiction et fantastique. Ce que nous connaissons depuis plus de quarante ans comme le « Monde de Michel Tremblay » atteint ici un point d’origine qui en établit la fabuleuse cosmogonie. Nous apercevons enfin la clé de voûte qui retient ensemble toutes les pièces de sa généreuse comédie.

Nana traverse le passage obligé et tourmenté de son adolescence et des responsabilités nouvelles qui tombent sur ses épaules lorsque sa grand-mère Joséphine arrive aux dernières heures de son existence. Afin de calmer cette tourmente qui l’emporte et de satisfaire sa grande curiosité, Nana poursuit la lecture du cahier de Josaphat-le-Violon, que Simon lui avait remis avant qu’elle ne parte de Duhamel. Au fil de ces trois contes fantastiques, des révélations l’attendent, dont elle ne peut encore mesurer la portée dans sa propre existence. En parallèle, sa mère, Maria, rentrée à Montréal, se morfond en remords, tiraillée entre son désir de rapailler sa jeune famille autour d’elle et le doute profond qu’elle a de pouvoir s’en occuper correctement. Toujours à la recherche du meilleur et de l’ailleurs, saura-t-elle saisir l’opportunity dont parlent les Américains, « qui ne frappe qu’une fois à la porte de la vie » ?

Mais le passage obligé le plus difficile, c’est celui du temps, inexorable, qui brise tout dans son sillon : les sentiments et les âmes qu’il assemble et désassemble pour le meilleur et pour le pire.