La polémique soulevée par l’essai de Noah Richler De la fleur au fusil. Le Canada s’en va-t-en guerre peut être résumée ainsi : le Canada est désormais un pays où s’opposent deux forces contradictoires. Celle du Bien, se réclamant de Lester B. Pearson – instigateur d’un âge d’or du maintien de la paix – et s’inspirant des valeurs humanitaires de tolérance d’un libéralisme politique éclairé ; et celle du Mal, propagée par les vecteurs que sont les acteurs du gouvernement au pouvoir et leurs sous-fifres, représentés par diverses personnalités du monde des médias et du divertissement de masse. Gouverné par un parti intransigeant, dépourvu de toute vision de progrès et de paix sociale, le Canada a fini par renoncer à l’héritage pearsonien du maintien de la paix pour embrasser une idéologie belliciste qui voit dans la Grande Guerre un symbole justifiant l’envoi de troupes en Afghanistan et un investissement massif dans l’armement. Grâce à une force rhétorique et à une manipulation linguistique, il s’est produit au cours de la dernière décennie un remodelage quasi complet de la vision pacifique qu’ont les Canadiens d’eux-mêmes. Le mot « guerre » en a presque perdu son sens barbare et menaçant ; on ne tue plus l’ennemi, on le neutralise. Noah Richler affirme qu’il est essentiel pour le Canada de se repositionner sur le plan du maintien de la paix et de regagner ses galons de nation pacifique de premier rang. Faire renaître une tradition canadienne de maintien de la paix ne sera peut-être pas aisé, si tant est que cela soit possible, mais le constat de cet essai participe sans aucun doute à un sentiment d’urgence relativement à l’incurie et au mépris du gouvernement en place.