Arnaldo et Bárbara, un couple de trentenaires lisboètes, marinent dans une vie banale. Sur le point de se séparer, ils se livrent à un inventaire courtois mais méthodique de leurs biens respectifs, achoppant très vite sur leur tortue domestique. Que faire de cet animal qu’ils n’ont jamais baptisé et dont aucun ne veut ? Servant de fil conducteur, d’aimant ou de repoussoir selon les moments, ce chelonidé les lie, nœud gordien absurde. Cependant, le lecteur pressent qu’Arnaldo et Bárbara ne sont pas si sûrs de vouloir se séparer, et les chassés-croisés auxquels ils se livrent, à la cantine ou chez eux, la mélancolie qui les étreint quand ils sont seuls laissent présager un heureux dénouement… Mário de Carvalho profite de cette trame cocasse pour épingler avec brio des affects conjugaux dangereusement volatiles… Fidèle à la forme narrative qu’il a concoctée, le « chronovélème », où se téléscopent cinéma, fable et bande dessinée, il nous régale d’une satire de la société portugaise – dont les travers ne sont pas sans rappeler ceux de l’ensemble des sociétés occidentales – et souligne les ridicules de notre prétendue modernité. Perturbé en sourdine par un narrateur omniprésent et ludique, son « chronovélème » nous fait rire délicieusement par sa décapante description du quotidien urbain petit-bourgeois.

Traduit du portugais par Marie-Hélène Piwnik